Bloqué - que faire?

Dr Daniel Mühlemann


Madame Steiff fait un mauvais rêve. Elle se réveille en sursaut avant la fin du cauchemar, ressent une douleur lancinante dans la nuque, à l'endroit précis où le requin allait l'attraper si elle ne s'était pas réveillée.

Madame Steiff ne peut plus guère bouger sa nuque. Le moindre mouvement lui fait mal. Elle reste immobile, la tête tournée à gauche et l'oreille contre l'épaule. Monsieur Steiff ne manque pas d' idées: il va chercher les essences de plantes médicinales japonaises, suggère les compresses chaudes, l'aspirine, les comprimés forts qui avaient fait merveille pour les calculs rénaux. A midi, Madame Steiff n'en peut plus. Il doit bien y avoir une autre solution pour sa nuque bloquée...

Qu'est-ce qu'un blocage?

Les blocages peuvent survenir dans les articulations, au niveau de la colonne vertébrale, du genou, du pied ou de la main. Dans la nuque, il s'agit d'un torticolis; au niveau des vertèbres dorsales, le blocage se traduit par les mêmes symptômes que des troubles cardiaques; dans les lombes, on parle de lumbago. Impossible de mouvoir l'articulation touchée! La musculature environnante est dure et tendue. Ce genre de problèmes est toujours assez douloureux, parfois même très douloureux. La plupart du temps, l'articulation est bloquée dans une position qui à la longue n'est pas très confortable.

Comment se produit-elle?

Cette question a occupé des générations de chiropraticiens qui n'ont pourtant trouvé à ce jour aucune réponse définitive. Ils se sont efforcés d'élaborer des modèles d'explications qui peuvent nous aider à mieux comprendre ce qui se passe dans un cas de ce genre. Trois modèles scientifiquement défendables sont actuellement proposés.

Le modèle mécanique (appelé aussi modèle articulaire): le blocage se produit par coincement d'une structure de l'articulation sensible à la douleur, par exemple d'une partie de la capsule articulaire. La plupart du temps, le facteur déclenchant est un mouvement incontrôlé. Les victimes du problème sont des jeunes ou des personnes dans la force de l'âge. Le modèle du disque intervertébral constitue un cas particulier du modèle articulaire: une partie du disque endommagé se coince au cours d'un mouvement. Cela présuppose une lésion du disque appelée en langage médical hernie discale ou discocèle.

Le modèle du réflexe: une irritation douloureuse produit une crispation de la musculature qui contrôle l'articulation. Le facteur déclenchant est la douleur. Le corps réagit à la douleur par la crispation de la musculature. Cette réponse est involontaire, c'est un réflexe que l'intéressé ne peut contrôler. L'irritation douloureuse peut trouver son origine dans différentes structures directement liées à l'articulation: capsule articulaire, disque ou musculature. Mais d'autres structures peuvent aussi entrer en considération comme cause d'un blocage par réflexe, par exemple les maux de dos pendant la menstruation: l'irritation douloureuse de l'utérus déclenche souvent un réflexe de crispation de la musculature dans la région des vertèbres lombaires supérieures. Il est intéressant de constater que les patientes ne ressentent souvent qu'une douleur dorsale et n'ont pas «mal au ventre».

Le modèle intégré: on peut supposer qu'il y a interaction entre les deux modèles exposés cidessus. Un blocage mécanique provoque une crispation par réflexe de la musculature et immobilise l'articulation, un blocage par réflexe finit au bout d'un certain temps par bloquer la mécanique de l'articulation du fait que les articulations qui ne travaillent pas souffrent d'être au repos. Le cartilage de l'articulation n'est plus aussi bien alimenté, la capsule articulaire se rétrécit, les agents de transmission de l'articulation envoient des informations confuses. Avec le temps, le blocage réflexe de l'articulation devient un blocage mécanique.

Bloqué - que faire?

L'automédication: les blocages disparaissent lorsque la cause mécanique ou le facteur déclenchant du réflexe de blocage sont supprimés. Les blocages cessent souvent spontanément par suite d'un mouvement, la musculature se détend, la douleur s'en va. Mais lorsque le blocage a duré un certain temps, il y a de moins en moins de chances que les choses rentrent dans l'ordre d'elles-mêmes. Il arrive un moment où le corps considère l'articulation bloquée comme «normale». Souvent même les douleurs disparaissent pour laisser la place à une sensation d'ankylose et de forte sensibilité au toucher. Mais le problème mécanique n'est pas résolu pour autant.

Le traitement chiropratique: le chiropraticien peut remédier en une seule manipulation à un blocage aigu qui vient de se produire. Une manipulation spécifique consistant en un petit coup sec et rapide permet de redonner à l'articulation sa mobilité. Cette pratique permet de détendre les surfaces articulaires, ce qui provoque le fameux «craquement». L'important est de n'actionner l'articulation que dans les limites de ses possibilités normales de mobilité. Dans le cas de blocages aigus, une séance, voire quelques séances de traitement chiropratique suffisent souvent. Lorsqu'il s'agit de blocages chroniques qui remontent à un certain temps, le traitement est parfois plus compliqué. Ce n'est pas toujours suffisant d'éliminer la cause mécanique; il faut en outre travailler à détendre la musculature crispée. S'il s'agit d'un problème récurrent, il peut être indiqué de prescrire aux patients des exercices spécifiques à faire régulièrement à domicile pour arriver à résoudre le problème avec le temps.

Vivre sans blocage?

De même que certaines personnes ne s'enrhument jamais, il y a manifestement des gens qui ne souffrent pas de l'appareil moteur de toute leur vie. La meilleure prévention contre tous les blocages imaginables consiste en un style de vie sain comportant beaucoup de mouvement, suffisamment de sommeil, une alimentation équilibrée et une vie intérieure harmonieuse. Nous autres chiropraticiens ne voyons jamais ces gens heureux. Dommage: peut-être pourraient-ils nous apprendre quelque chose...

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